En anglais, présentation chez Wikipedia.
Universitaire créatif, humaniste et missionnaire, ordinairement auteur d’ouvrages académiques ou d’articles scientifiques en psychologie, B. F. Skinner ici comme un volcan en éruption, nous surprend d’une oeuvre utopique à saveur philosophique et politique pour lecteur.e ouvert.e à l’inédit, la controverse et la survie de l’espèce humaine au XXI siècle.
Il a écrit ce roman en quelques semaines pour exposer sa version de la simplicité volontaire avant le terme vécue en commune expérimentale. L’instigation relève de quelques volontaires entreprenant.es aux lendemains de la crise économique de 1929.
Dans cette commune d’abord envisagée puis entreprise, l’intention initiale est l’application de la science en comportement humain au développement d’un nouvel art de vivre. La recherche intuitive puis expérimentale vise le mieux-être des membres recruté.es et une meilleure espérance de survie pour l’humanité.
Concrètement, nous avons droit à une visite guidée imaginée au sein d’une telle commune en développement depuis une dizaine d’années. Frazier son instigateur offre un tour du propriétaire à un professeur de psychologie, Burris et à son collègue en philosophie, Augustine Castle. Deux jeunes couples les acccompagnent, Rogers et Barbara, Steve et Mary, réunis depuis peu avec la fin de la deuxième guerre mondiale. Ils envisagent de se marier et sont en quête d’un cadre de vie plus stimulant que celui qui s’offre à eux présentement. Ce sont d’éventuelles recrues.
Les visiteurs découvrent dans un environnement rural, un mode de vie très différent du rêve américain, favorable au loisir et à la joie de vivre plutôt qu’au travail aliénant ou outrageusement compétitif et à la consommation comme baume. Le changement social y relève de l’intelligence, de l’humour et de l’expérimentation et non d’un gouvernement lointain, en combat entre pouvoir, opposition et médias. Le loisir créatif et familial y abonde en raison d’une journée de travail pour la communauté de 4 heures seulement et de l’absence d’une pression médiatique incessante à la consommation.
En chemin, le guide-instigateur se fait aider pour les explications spécifiques par le gérant de la laiterie, la gérante des ateliers de productions artisanales et artistiques, la dessinatrice de mode, les préposés à la cafétéria, l’infirmière de la pouponnerie, le médecin de l’infirmerie, la gérante de la répartition du travail, l’architecte, mais pas par le planificateur financier, ni par la communicatrice aux relations extérieures.
Le professeur recueille lors d’une marche impromptue en solitaire l’avis d’une jeune dame qui le fait rêver, croisée dans l’escalier-galerie d’art, et d’une autre à l’âge de la retraite, sur son perron, encore active au jardin, à la cuisinière et auprès de ses petits-enfants.
Le peuplement se fait par recrutement. Comme le projet admet de jeunes adultes, il se fait également par engendrement. Cette contribution à la commune constitue une occasion d’accomplissement personnel affectif. Il survient entre 16 et 20 ans plutôt que 30 étant donné la prise en charge matérielle et éducative des enfants par la commune. Les parents y sont indispensables comme source de régénération et croissance.
Dans la commune, l’enfant est vu comme l’objet d’un projet mutuel naturel engagé comptant abondamment de don de soi de deux êtres asymétriques et non égaux en fait bien qu’en droit, qui réussissent à s’entendre sans trop de heurts en raison et malgré leurs différences et leurs ressemblances. Ces partenaires sont ouverts à la découverte et conscients du don de soi dans la qualité de vie personnelle et communautaire, des choses qui s’enseignent à Walden Two. Le projet de vie commune est examiné professionellement et déconseillé si invraisemblable.
Il n’y a pas d’école primaire formelle à Walden Two mais une bibliothèque à date et bien garnie. Tous les membres de la communauté se doivent d’enseigner ce qu’ils savent à qui veut bien apprendre quand l’occasion s’en présente. Ce que l’école secondaire enseigne en vase clos, les ados waldeniens l’apprennent en milieu naturel et à flux tendu (just in time). La commune est trop petite pour l’enseignement collégial ou universitaire mais il y a de l’un et de l’autre à proximité et les arrangements pour y accéder ont exposé la force de l’enseignement informel waldennien.
Les volontaires de Walden Two sont confiants en l’avenir mais informés de la réalité à l’extérieur de leur commune. Ils ont vu et ont eu l’occasion de comparer, les plus âgés après y avoir été, les plus jeunes plus récemment en y allant en visite d’exploration.
L’aménagement de l’espace, le choix architectural, la réduction de la nécessité du transport et la consommation collective entraîne une économie d’énergie enviable. La marche est à l’honneur et suffit habituellement comme mode de déplacement interne. Walden Two arrive à produire et partager harmonieusement le nécessaire, l’agréable, l’inutile, l’accomplissement personnel et la recherche de sens à bon compte.
Frazier l’instigateur de la communauté croit que l’homme a créé Dieu et non l’inverse. À la limite cependant, il se prend un peu pour Jésus et un concurrent plausible à Dieu en matière d’ingénierie de l’humanité. La pratique religieuse n’est pas réprimée mais elle n’a pas d’avenir comme la cigarette, l’alcool, le sport professionnel, la loterie, la musique étourdissante et la démocratie. Je vois des cous qui s’allongent comme ceux de girafes à qui Dieu aurait dit: « vous ne ferez plus jamais l’amour ».
Les dirigeants de la communauté ne sont pas à la merci des médias et des électeurs, ils ne sont pas élus, ils se sont choisis et entendus. Ils ont limité la durée de leur mandat à dix ans. Les waldenniens sont dépendants de la bonne volonté de leurs planificateurs et gérants mais ces derniers consultent abondamment et observent scientifiquement. Ils sont soumis aux mêmes conditions de vie qu’eux plutôt que de généreux volontaires bénévoles élus qui se compensent de pertes d’affection une fois parvenus à une classe de privilégiés.
Ils doivent souvent faire plus que 4 heures de travail requis par jour pour accomplir leurs fonctions, contrairement aux autres membres. Ils n’ont pas droit à la force. Ils ne doivent pas s’attendre à des remerciements des membres, ceux-ci sont mal vus à Walden Two. Leur satisfaction de la vie relèvera de leur bien-être personnel dont celui d’avoir accompli quelque chose pour leurs proches et leurs descendants.
Dans Walden Two, la survie de l’espèce humaine, comprendre l’évitement de son auto-destruction par l’exploitation nucléaire insécure ou une autre erreur de civilisation comme le gaspillage du pétrole ou la sous-natalité, relève de la multiplication rapide de communes expérimentales à son inspiration et non forcément image et non de la mondialisation d’une occidentalisation à l’américaine.
Au bout de la visite, un des deux couples restera après qu’elle et lui aient passé individuellement avec succès l’examen d’entrée et signé le contrat d’adhésion au code.
Que fera Burris ?
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